#17 MELANCHOLIES, I Wannawant to be, Alison/Claude Litou

Texte seul disponible ci-après

Mise en garde : mentions de sexualités/actes sexuels (texte) et nudité/acte masturbatoire (photo-collage)


I Wannawant to be

Je ne veux ni être homme ni être femme. Je ne veux devenir ni non-binaire ni trans’. Rejeter toutes les catégories, toutes les identités. Je veux les embrasser toutes. Aimer des ”garçons” et vivre en lesbienne, me fantasmer en ex-meuf–non-binaire bien n-r-v! et érotiser ma virilité. J’aspire à occuper toute les positions dans ce régime de sexes et de genres (les deux sont liés)1.

Je veux être une femme trans’-lesbienne. Je veux être un homosexuel, une pédale. Je ne veux relationner qu’avec des féministes. Je me travestie. Je veux faire de mon·es genre·s et sexualités des pratiques, un état de fait. Je veux mettre fin au straight2. Ça ne me dérange pas quand on m’appel·le « madame ». Je veux me faire prendre. Je suis amoureux·se de mes ami·exs. Je me rêve en butch-post_binaire. J’ai de la sympathie pour les étranges, les ambigües, les sachants pas. Je veux que l’on touche mon corps. J’admire les gouines, les trans’, les pédales ; les travesti·es, les bizarres, les déviant·exs, les perverses. Je rêve de prendre des hormones. Je suis historiquement cosmopolite. Je crois en une éthique des enculé·exs3. Je veux vivre la queerité comme un investissement politique. Je voudrais me faire doigter. L’esthétique vogue m’attire. Je veux que mon corps soit un lieu révolutionnaire4 ; que l’on prenne nos vies comme utopies ; vieillir en Bernadette Bassenger. Je veux voir mon corps et ses organes démultipliés. Je ne veux pas être cohérente pour ell·eux. Ça me plairait bien d’être un·e garçon manqué·e. Je veux assurément nier ce par quoi l’on m’a assigné·e. Je veux être masculine. Je veux être une femme cis se travestissant en garçon.

Être une femme (cis) se travestissant en ”garçon”. Je porterais une gavroche sous laquelle je cacherais mes cheveux long et alors je pourrais me rêver en ”garçon”.

Notes –
1
Paul B. Preciado parle de « système » ou de « régime » « sexe-genre » pour décrire la compréhension hétéronormée et binaire-cisgenre de nos sexualités et genres – à minima au sein des sociétés européennes et nord-américaines. L’association sémantique des termes « sexe » et « genre » est utile en ce que ce système hétéro-cisnormé confond largement sexes, sexualités et genres. Voir : Paul B. Preciado, Un appartement sur Uranus – Chroniques de la traversée, Paris, Éditions Points, 2021 (première édition en 2019 chez les Éditions Grasset & Fasquelle).

2
Je reprends le terme de Monique Wittig qui employait pour sa part l’expression « pensée straight », celle-ci décrivant l’hétéronormativité. J’emploie pour ma parts le terme « straight » pour décrire le régime de production et de compréhension des sexualités, genres, relations et affects au sein du cis-hétéro-patriarcat – aujourd’hui hégémonique dans les sociétés de « l’aire culturelle occidentale » – dont les valeurs sont dominées par l’hétérosexualité et le binarisme cisgenre qui attribuent un rôle spécifique aux individus selon leur position dans ce système. Si le « paradigme straight » ne se confine pas qu’aux hétérosexuel·les-cisgenres (la position assimilationniste de certains courant LGBTQIA+ tend à reproduire des valeurs du système sexe-genre straight dans des relations non-hétérosexuelles ou expressions de genres non-cis), je crois que l’on peut a contrario imaginer des hétérosexualités et expressions de genres cis plus inventives et joyeuses que celles proposées par le straight. Voir : Monique Wittig, « La pensée straight », La pensée straight, Paris, Éditions Amsterdam, 2018 (première communication du texte en 1978 à New York puis publication en français et anglais dans les revues Questions Féministes et Féminist Issues en 1980), p. 66-77.

3
Je reprends l’expression d’un article de Turi Cantero à propos du livre de Javier Sáez et Sejo Carrascosa : Enculé ! Politiques anales, voir : Turi Cantero, « Invitation à une éthique de l’enculé·e », Trou Noir – Voyage dans la dissidence sexuelle, printemps 2023, disponible sur : http://www.trounoir.org/.

4
Je cite ici Paul B. Preciado, voir : Paul B. Preciado, op. cit., p. 27.

Ce texte provient d’un poème de Zoe Leonard (I want a president, 1992) ainsi que d’un extrait du texte de Paul B. Preciado « Un appartement sur Uranus » publié en introduction de l’ouvrage éponyme et reproduit en quatrième de couverture (voir : Paul B. Preciado, « Introduction – Un appartement sur Uranus », op. cit., p. 26).
L’image s’inscrit dans la lignée du photocollage I. O. U. (Self-Pride) de Claude Cahun et de Marcel Moore réalisé entre 1920-1930 et publié pour la première fois en 1930 dans l’ouvrage de Cahun Aveux non avenus. De même que d’autres photo-portraits de Claude Cahun et le travail d’auto-portrait photographique et vidéo de Germana Stella (voir sa page Instagram) ont nourri cette image.

Pour en savoir plus

Diplômé·e d’un master mention Arts plastiques en 2022 (Université Rennes 2), je vis et développe mes pratiques d’arts plastiques et d’écriture entre la Bretagne et la région Île-de-France. À côté de la série de textes « M E L A N C H O L I E S » je prépare un cycle de travail autour du terme « communauté·e » en envisageant l’amitié comme une forme d’amour collective.

Sur instagram: @al.itou

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